800 calendriers miniatures venus du Portugal (1982 – 1988)

Peu courants dans nos contrées, les calendriers de poche, semble-t-il, eurent un important rôle au Portugal : au-delà de leur aspect pratique, ils servirent de support publicitaire et culturel pour toutes sortes de groupes, qui les diffusaient pour se faire connaître du public. Regardons quelques exemples étonnants de ces objets qui alliaient les fonctions pratiques, commerciales, artistiques et politiques.

 

En France, une fois l’an, les facteurs avaient l’usage de remettre à chaque foyer le fameux calendrier des postes, et en profitaient pour demander leurs étrennes en retour. Ce calendrier, plus ou moins standardisé, comportait les jours de fête et la liste des saints, ainsi que d’éventuelles informations complémentaires telles que les lunaisons ou les signes du zodiaque. Il s’agissait donc d’une mine d’informations pratiques qui trouvait volontiers sa place au sein des foyers. Depuis au moins un siècle, en parallèle, se répandit la distribution et l’usage de calendriers miniatures qui se rangeaient, selon les époques, dans la poche des vestons ou dans les portefeuilles. Ils eurent tôt fait, comme leurs cousins que l’on accrochait sur les murs, d’adopter une vocation publicitaire.

Le revers de l’une des pages de l’album. Notez la réglette en marge de certains des calendriers.

La collection dont il est question aujourd’hui nous vient du Portugal, et consiste en près de 800 de ces calendriers miniatures (!) soigneusement classés dans un album plastifié. Les dimensions de la large majorité de ces pièces varie entre 9 x 6 cm et 10 x 7 cm (légèrement supérieures à celles de nos cartes bancaires modernes) et celles-ci trouvent leur place au sein d’une cinquantaine de pages composées de 8 pochettes chacune. Les calendriers sont disposés à raison de deux par pochette, afin d’exposer leur face décorée au recto et au verso de chaque page. Vous l’aurez compris, ces calendriers de poche ne servaient pas seulement à indiquer la composition des mois de l’année : ces informations figurent bien sur le revers des cartes, mais l’avers, en revanche, est illustré et sert de médium à toutes sortes de messages et d’images. Nous pouvons identifier six catégories principales : images éducatives ; art ; publicité (commerciale et non-commerciale) ; pop culture & cinéma et enfin religion & croyances (reportez-vous tout à la fin de l’article pour une classification plus détaillée des pièces).

Deux des six calendriers produits à l’occasion du centenaire des pompiers volontaires de Vouzela.

Mais penchons-nous sur quelques calendriers de poche en particulier. Ces deux pièces (ci-dessus) n’ont pas d’inscriptions sur l’avers, mais on apprend sur le revers qu’ils ont été produits pour le centenaire (1885 – 1985) des pompiers volontaires de la freguesia de Vouzela – la freguesia étant la plus petite subdivision administrative du Portugal. Les calendriers montrent un petit 4×4 à échelle appartenant au corps des pompiers locaux, mis en scène devant ce qui semble être l’église de Vouzela, monument d’importance nationale à l’architecture romantique et agrémentée d’éléments gothiques. Le détail le plus remarquable est probablement la marque du 4×4, que l’on peut deviner grâce au logo situé au coin supérieur droit de son radiateur : le véhicule a été conçu et construit par l’União Metalo-Mecânica (UMM), et il s’agit peut-être de sa déclinaison UMM Alter 4×4, dans une version propre aux services pompiers. Il ne s’agit de rien moins que l’unique producteur automobile portugais de l’histoire ! Comme il s’agissait cependant d’une manufacture de niche, elle ne produisit entre 1977 et 2004 qu’une dizaine de milliers de véhicules, en bonne partie sur commande et destinés principalement aux administrations de France, du Portugal, d’Espagne, du Congo et d’Angola (ex-colonie portugaise). Certains de ces véhicules, réputés pour leur fiabilité, sont toujours en fonction, notamment dans les services d’état-major et de police des pays mentionnés. On notera d’ailleurs que l’UMM produira, en 2000, une papamobile pour Jean-Paul II à l’occasion de sa visite au Portugal.

Le calendrier-illusion d’optique de l’Aliança Povo Unido, édité à l’occasion des élections parlementaires de 1983.

Ce calendrier provient de la section politique de la collection que nous avons reçue. Il se démarque par le fait qu’il ne comporte pas les habituels portraits-slogan-nom du parti, mais à la place une simple illusion d’optique réversible. Si la carte est lue dans un sens, l’homme parait réjoui et le message indique « Je suis heureux ! J’ai voté pour l’APU et je ne le regrette pas. Fais-moi confiance ! Vote pour l’APU ! ». Dans l’autre sens, l’homme est malheureux et on peut lire « Je suis triste… J’avais voté pour l’AD, pour le PSD, pour le CDS et même pour le PS. Aucun d’entre eux n’a tenu ses engagements !… ». Le calendrier a été émis par l’APU (Aliança Povo Unido – Alliance du Peuple Uni, de gauche) et s’en prend à peu près à tous les partis en lice pour les élections parlementaires de 1983 : le PSD (Partido Social Democrata, de centre-droit), le CDS (CDS – Partido Popular, droite chrétienne et conservatrice) et le PS (Partido Socialista, du centre). Le calendrier mentionne aussi l’AD (Aliança Democrática), coalition regroupant notamment le PSD et le CDS susmentionnés, dissoute en début d’année suite à ses déboires électoraux lors des élections municipales de 1982. À l’occasion des élections parlementaires de 1983, cette coalition fit place à une nouvelle alliance, regroupant PS et PSD en dépit de leurs différends, et les deux partis ressortirent vainqueurs du scrutin avec 101 et 75 députés respectivement. L’APU, l’émetteur de notre calendrier, finit à la troisième place avec 44 députés. De concert, le gouvernement de coalition PS-PSD mit en place des mesures de rigueur budgétaire, mais, en 1985, le PSD se dissocia du PS pour se rapprocher de la droite (CDS). Suite à la perte de la majorité parlementaire, le parlement fut dissous et de nouvelles élections législatives furent organisées la même année.

Calendrier publicitaire de poche français, pour le Chocolat d’Aiguebelle des Pères Trappistes (Pas dans l’album – Source : eBay).

Il est impossible de produire un commentaire sur les centaines de calendriers que nous avons à disposition, mais il est certain que chacun d’entre eux présente un intérêt culturel et historique. Il est, du reste, difficile de déterminer dans quelle mesure leur usage était répandu au Portugal : le collectionneur qui a assidument regroupé et classé ces petites cartes en était manifestement un grand amateur, mais comment savoir leur place réelle au sein de la population portugaise ? À notre connaissance, personne n’a vraiment étudié la question, ce qui est regrettable, étant donné la variété et l’intérêt que représentent ces calendriers. Nous avons toutefois remarqué qu’il ne s’agissait pas nécessairement d’une spécialité portugaise, puisque leurs variantes françaises existent. Le principe est le même : allier publicité et calendrier, le tout dans un format de poche. Une différence néanmoins : les calendriers français que nous avons rencontrés, en plus d’être beaucoup plus anciens (fin du XIXe siècle – début du XXe siècle), affichaient systématiquement les noms des saints et la date des fêtes religieuses. En conséquence, il était impossible de faire tenir toute l’année sur une seule face, si bien que le calendrier lui-même occupait les deux côtés de la carte, reléguant la publicité aux en-têtes.

Publicité pour un commerçant de tubes en PVC. Notez que le calendrier classique a laissé sa place à un calendrier de la coupe du monde de football de 1986, à remplir soi-même. Spoiler : c’est l’Argentine qui a remporté la coupe.

Annoncer que l’on étudie une collection de calendriers miniatures portugais des années 80 peut prêter à rire, mais de telles moqueries sont injustes : cet album constitue une mine d’informations historiques et culturelles. Il y aurait encore beaucoup d’éléments à tirer de nos petits calendriers : apprendre les us et coutumes anciens à partir des illustrations des métiers d’antan, étudier l’évolution des villes à partir des photos des lieux et des monuments, comprendre la mode des années 80 à partir des publicités d’habits, et bien d’autres choses encore. C’est bien là la mission de MEM01RE : percevoir l’intérêt historique, social et culturel des objets à l’apparence anodine que l’on a chez soi. ♦

 

Document source : fonds « Antonio Viseu », Mem01re

 

Classification des calendriers présents dans l'album (cliquer pour développer)

 

  •  Images éducatives
    – Mycologie
    – Botanique
    – Lieux culturels, monuments, statues
    – Billets de banque portugais et étrangers
    – Scènes et personnages du monde (asiatiques, orientaux)
    – Costumes régionaux et historiques
    – Timbres étrangers (hongrois, soviétiques, togolais, etc.)
    – Blasons
    – Animaux (chiens, chats, oiseaux, papillons)
    – Transports (navires anciens, avions anciens, voitures anciennes, engins de course)
    – Dessins de scènes campagnardes ou traditionnelles (travaux dans les champs, dans les vergers, dans la vigne)
    – Chantiers et édifices publics

 

  • Art
    – Dessins naïfs ou populaires
    – Reproductions de tableaux et d’œuvres d’art
    – Photographies d’art
    – Vues de villes ou de paysages
    – Photos de mode

 

  • Publicité (commerciale)
    – Jouets
    – Médicaments
    – Magasins de chaussures, d’habits, de lingerie, de mobilier/décoration d’intérieur, etc.
    – Hôtels, bars, restaurants, night-clubs
    – Usines, fabriques
    – Boissons (alcoolisées ou non), glaces

 

  • Publicité (non commerciale)
    – Bonnes œuvres, missions évangéliques, ONG
    – Scoutisme, sapeurs-pompiers
    – Politique

 

  • Pop culture & sports
    – Affiches de films, dont films érotiques
    – Groupes de musique, portraits de musiciens et de chanteurs
    – Équipes de football

 

  • Religion & croyances
    – Icônes sacrées
    – Scènes de vie des Saints
    – Prières
    – Horoscope

 

L’une des pages de l’album, affichant diverses publicités. On sait désormais d’où vient l’idée du logo de Facebook.